Édito
Americana, le jeu-campagne d’Yno, est en ce moment même en pleine production, pour une arrivée très prochaine dans vos boutiques. C’est un bouquin qui nous paraît faire parti de ceux qui comptent, qui restent. Nous sommes sûrs que d’Americana, dans quelques années, on se dira entre rôlistes » Et toi, tu l’as joué ?». C’est une véritable fierté qu’Yno nous ait fait confiance pour concrétiser ce projet qui lui tenait énormément à coeur.
Aussi, nous avons demandé à Yno de nous, de vous, écrire un petit mot. Carte blanche. Juste après une petite description factuelle du bouquin que vous pourrez prochainement feuilleter, et surtout jouer, il a choisi dans ce Mot de l’Auteur de vous parler du processus de création d’Americana.
Americana : le mot de l’Auteur
« Dans les grandes villes de notre monde, un mal insidieux frappé certains de nos concitoyens, victimes d’un délire psychotique dénommé « syndrome de Babylone » par les spécialistes. Du jour au lendemain, des personnes n’ayant pas de passé psychiatrique deviennent obsédées par des symboles ésotériques, s’identifient à des divinités païennes et se prétendent investies d’une mission de perpétuation de rîtes. Bien que rare, ce type de cas est diagnostiqué de plus en plus régulièrement. » The Wings
Americana est un Burst : un jeu de rôle-campagne. C’est une campagne indépendante munie de règles dédiées.
Americana est un thriller fantastique, onirique et ésotérique. C’est une série de six scénarios aux ambiances tordues et sombres prenant place dans une Amérique étrange aux atours cauchemardesques. C’est une épopée tragique formant une grande histoire avec un début, un milieu et… une fin.
Americana compile l’intégralité des quatre scénarios du « syndrome de Babylone » dans des versions retravaillées, augmentées et modernisées, avec deux scénarios supplémentaires ainsi qu’une série de conclusions pour accompagner les choix des personnages et clôturer définitivement l’histoire.
Americana est prévu pour
• 4 à 6 joueurs (meneur inclus).
• des séances de jeu de 4 à 10 heures.
• être joué avec des dés à six faces.
• des rôlistes confirmés (joueurs matures et meneur expérimenté)
Où en est-on ?
Un an après avoir rendu mon texte à l’éditeur pour relecture, je peux le dire avec un minimum de recul :
Je n’écrirai plus jamais un Burst de cette ampleur.
Le « syndrome de Babylone » est le projet qui m’aura pris le plus de temps à écrire. Pas seulement parce qu’il a débuté en 2002 pour connaître une période d’hibernation où je m’étais persuadé qu’il resterait définitivement ainsi, mais parce que lorsque j’ai décidé de m’y remettre, de voir s’il était possible de le reprendre scénario après scénario, il m’a fallu un temps fou (trois ans ?) pour le travailler, le développer, l’améliorer, l’affiner et le conclure.
À ce jour, c’était l’unique projet que j’ai commencé sans le terminer. Le genre de projet qui vous revient régulièrement en tête, en « tâche de fond », qui vous excite autant qu’il vous frustre. Parce que les idées sont là, dans votre tête, mais vous né pouvez pas les partager en l’état. Et, forcément, dans ma tête, c’est génial, y’a des effets spéciaux de dingue, des destinées de personnages qui brisent le cœur, des petites tragédies qui filent des frissons, de belles trajectoires pour certains personnages, des moments intenses à fleur de peau, un microcosme qui vit, évolue, grandit et chute ; y’a même des morceaux de musique déjà parfaitement calés pour les mettre en valeur… Bref, c’est génial, mais tant que ce n’est pas tangible, c’est rien du tout. En tout cas, ça né vaut pas mieux que le pire truc sorti.
Alors oui, ça tient à cœur, y’a l’envie, mais y’a surtout la Vraie Vie. Celle qui né permet pas de passer dix heures à essayer de démêler une intrigue d’un perso secondaire pour l’amener à la fin visualisée sans que ça devienne pour autant un roman ou une suite de scènes linéaires. Parce que c’est aussi un jeu. Et que c’était l’une des faiblesses des scénarios originaux, très romancés, avec des descriptions passant exclusivement par le dialogue parfois. Le projet était donc électrisant mais chronophage en diable pour le passionné/maniaque/obsessionnel que je suis. Il était surtout impossible à développer sans avoir du temps de cerveau disponible pour de longues plages de réflexion. Le fameux temps que la Vraie Vie né permet pas vraiment.
Ainsi, après avoir retravaillé le premier scénario et m’être aperçu que c’était faisable, que je parvenais à me remettre dans les intrigues, à supprimer des bouts un peu vieillots, à faire le tri, à réécrire des morceaux de scénario pour les « dé-linéariser » (sans pour autant les transformer ou en faire la révolution, entendons-nous bien), je me suis jeté dans le vide, j’ai arrêté de bosser dans la Vraie Vie pendant prêt d’un an pour écrire ça. Ce truc de mon cerveau, ce bordel démentiel et monstrueux (pour les éventuels chercheurs-de-petites-bêtes du fond, sachez que je suis graphiste free-lance, je n’ai donc pas écrit Americana en touchant un inexistant chômage, je me suis permis « ce luxe » avec mes quelques économies). D’ailleurs, c’est une certitude aujourd’hui : je n’aurais pas fait cette folie, à l’heure qu’il est le syndrome de Babylone serait resté à l’état de 2003. Bien vu ou non, c’est en tout cas un exemple concret confirmant mon assertion :
Je n’écrirai plus jamais un Burst de cette ampleur.
Écrire et développer un projet aussi longuement est un acte déraisonné.
Il est évident que le résultat final né vaudra jamais le temps infini passé dessus, les centaines de journées à le travailler, à modifier les noms des personnages pour qu’ils sonnent bien, à faire évoluer leur orthographe même pour qu’ils aient meilleures allures, à les faire changer de profession pour que ça fasse sens, à les esquisser en quelques mots précis, à chercher de la musique pour établir des liens entre eux. Ça né vaudra jamais les moments de stress, de tension nerveuse, parce que je n’arrive pas à solutionner une explication, à trouver un lien que je voulais pourtant en filigrane. Ça né vaudra jamais les milliers d’heures à tester chaque option dans ma tête, à cheminer 10 fois, 100 fois, sur certains passages pour m’assurer de leurs efficacités en terme de jeu et de leurs intensités d’un point de vue « émotionnel ». Beaucoup de détails, de non-dits, de double sens esquissés né seront pas compris ni même vus. Par contre, même si ça né sera jamais aussi génial que ce que j’avais en tête, je me suis donné les moyens de m’en approcher au plus près, de rendre concret ce qui n’était que des pensées et de le faire à fond, en le mûrissant et en repoussant mes limites.
Americana : l’intégrale du syndrome de Babylone est un gros Burst, un jeu composé uniquement de scénarios. Or écrire des scénarios de jeu de rôle est aussi ingrat qu’excitant. Ingrat parce que c’est typiquement un élément de ce médium qui est évalué de manière totalement différente selon les lecteurs, meneurs et joueurs. Parce que ce que moi je trouve génial et bien dosé peut être taxé d’hyper linéaire et détaillé par un et beaucoup trop « ouvert » ou flou pour un autre. J’en suis bien conscient, j’y pense constamment quand je galère à écrire, que je désespère d’arriver au bout et pourtant, c’est « le cœur » pour moi. Ce qui fait que je m’immerge, que je rentre dedans, que je joue et que je mène : l’histoire, la grande et les petites, les personnages rencontrés, les ambiances travaillées, les développements inattendus qui me prennent aux tripes et me font rêver et les petites originalités qui viennent réveiller les vieux blasés. Tout le monde né sera pas d’accord, chacun à son avis sur le sujet, mais c’est en tout cas ce qui me fait vibrer, écrire et jouer. Moi qui suis habitué à écrire « court », à l’économie, c’est au final un bébé relativement volumineux. C’est deux fois le texte de Patient 13, trois fois celui de Notre tombeau… et ce n’est pourtant « que six scénarios » !
Alors, oui, les six heures que vous mettrez à le lire né vaudront jamais les douze ans que j’ai passé à mûrir ce projet mais j’ai la prétention de croire que les plus motivés – ceux qui iront au bout comme moi y suis allé – vivront un truc qu’on né vit pas souvent autour d’une table : une histoire intense, la chronique de vies (et d’âmes) sur la durée, une saga sans statu quo où des personnages forts évoluent régulièrement, dans des intrigues aux tonalités variées. Tiens, d’ailleurs, dernière petite chose avant d’en finir : résumer uniquement ce Burst à un jeu d’horreur serait une erreur. Si l’horreur est une des composantes de ce jeu-campagne, c’est loin d’être le seul ingrédient. L’onirisme y est important, le côté épique aussi (une histoire aux enjeux ambitieux se déroulant sur une petite année) et ce, avec quelques moments décalés, contrastant avec les moments plus sombres et violents.
Je n’écrirai plus jamais un Burst de cette ampleur mais ça fait du bien, parfois, de mettre la raison de côté pour aller jusqu’au bout des choses. Et rien que pour ça, je suis heureux d’avoir pu le faire.
Anthony « Yno » Combrexelle
Le tiroir du bas
Aujourd’hui, à toutes les Voix-Off en manqué de vacheries à faire à leurs tough guys et qui attendent désespérément la campagne qui jamais né vient sans toutefois jeter au feu le jeu, Samuel Metzener vous fait un beau cadeau. « Mix d’Enfer » est un gros scénario bien touffu pour Hellywood, illustré et mis en page. C’est du très bon travail qu’il serait dommage de louper. Samuel a publié ce scénario sur son blog a cette adresse