Éditions John Doe

Le jeu de rôle est mort,
mais personne n'est venu réclamer le corps

Courrier des légistes n°2

Derriere la porte du frigo

12 mai 2014

En direct de la morgue des édi­tions John Doe

Édito

En pre­mier lieu, mer­ci pour vos retours posi­tifs sur cette publi­ca­tion, qui nous prouvent qu’il était néces­saire d’être un peu plus diserts quand à l’a­van­cée de nos pro­jets. Nous né l’ou­blie­rons pas.

Voi­ci donc ce second numé­ro qui va tour­ner autour de Stars Without Num­bers, avec une pré­sen­ta­tion détaillée de ce jeu en cours de tra­duc­tion. Et dans le pro­chain cour­rier, vous en sau­rez plus sur l’illus­tra­teur talen­tueux que nous avons choi­si pour don­ner vie à cet uni­vers, Sté­phane Cour­voi­sier. Il répon­dra en effet à nos questions.

Mais ce n’est pas tout : vous allez pou­voir décou­vrir la cou­ver­ture d’Ame­ri­ca­na,  que nous venons de vali­der avec l’au­teur, Yno. Il nous a éga­le­ment livré la ver­sion revue de ses textes et il reste à pré­sent à faire entrer Ame­ri­ca­na en phase de cor­rec­tions et à figno­ler le gra­phisme. Nous avons d’ailleurs le plai­sir de vous annon­cer que M. Willy Favre va ren­for­cer l’é­quipe et s’oc­cu­per des illus­tra­tions des PNJ du bouquin.

Le bou­lot conti­nue sur les autres pro­jets. On vous en dit plus dès qu’on en sait plus !

Stars without numbers

Stars without num­bers est un jeu de Kevin Craw­ford, l’impressionnant direc­teur et prin­ci­pal auteur des édi­tions Sine Nomine Publi­shing. Il nous pro­pose depuis plu­sieurs années des jeux et des concepts tour­nant autour du concept de bac à sable – des uni­vers ouverts où les joueurs ont toutes lati­tudes pour agir à leur guise et par­tir dans toutes les direc­tions, tan­dis que le meneur de jeu est appuyé par de nom­breux outils de maî­trise et de conception.

SWN est donc un jeu de sciences-fic­tion. Nous sommes en 3200 de l’ère judéo-chré­tienne et l’humanité a colo­ni­sé les étoiles au cours de plu­sieurs vagues suc­ces­sives. La pre­mière vague fut per­mise par la décou­verte et le per­fec­tion­ne­ment de la pro­pul­sion anné­lide – le moyen de plier le tis­su spa­tio­tem­po­rel et d’y creu­ser un trou de ver pour sau­ter d’une posi­tion à une autre. La seconde vague démar­ra lorsqu’on put enfin maî­tri­ser le syn­drome d’extroversion extra­di­men­sion­nel – les psi.

Cer­tains des enfants des spa­tio­nautes qui vivaient presque tout le temps dans les vais­seaux anné­lides avaient fini par tom­ber malade – un curieux état que per­sonne né com­pre­nait et qui condui­sait à la mort ou à la folie. C’était l’influence des éner­gies trans­di­men­sion­nelles aux­quelles ils étaient sou­mis. Il fal­lut long­temps, et de nom­breux pro­grammes d’étude à l’éthique plus que dou­teuse, pour qu’on par­vienne à maî­tri­ser les pou­voirs fan­tas­tiques qui accom­pa­gnaient le déve­lop­pe­ment de la mala­die. Quand ce fut fait, une toute nou­velle civi­li­sa­tion put naître : les manu­fac­tures psi­tech pro­dui­saient des objets mer­veilleux, les portes de saut opé­rées par des psi per­met­taient à de lourds car­gos de tra­ver­ser la galaxie en quelques jours. La pro­pul­sion anné­lide fut oubliée, en dehors des fron­tières où les portes de saut n’avaient pas encore été installées.

Et puis tout s’écroula. En 2665, une décharge méta-dimen­sion­nelle d’une vio­lence inima­gi­nable jaillit de la Nébu­leuse des Den­telles du Cygne, tra­ver­sant l’espace connu en quelques minutes. Tous les psi de la sphère humaine furent ins­tan­ta­né­ment tués ou réduits à des loques hur­lantes, consu­més par ce qu’on appel­le­ra plus tard le Hur­le­ment.

Les siècles qui sui­virent furent appe­lés le Silence. L’humanité a len­te­ment, dou­lou­reu­se­ment, redres­sé la tête dans les mondes fron­ta­liers. Des mondes se redé­couvrent, des routes com­mer­ciales sont ouvertes grâce à quelques capi­taines de vais­seaux anné­lides intré­pides. Les anciens por­tu­lans stel­laires né valent plus rien. On redé­couvre la puis­sance des psi, bien qu’on né sache plus les contrô­ler aus­si bien qu’autrefois – et de toute manière, plus per­sonne né leur fait confiance. Des xénos s’aventurent dans des régions jadis sous pro­tec­to­rat humain et par­tout, tyrans et sei­gneurs de guerre manœuvrent pour étendre leur influence.

Une illustration de Stars Without Numbers par Stéphane Courvoisier

Une illus­tra­tion de Stars Without Num­bers par Sté­phane Courvoisier

Très clas­si­que­ment, dans SWN, vous incar­nez un aven­tu­rier inter­stel­laire. Ce que vous allez y faire dépen­dra lar­ge­ment de vos ambi­tions, de votre cou­rage et des cir­cons­tances. Ce sont ces ambi­tions et ces moti­va­tions, défi­nies dès le début de votre car­rière, qui seront le moteur des aven­tures – le genre du bac à sable repose beau­coup sur le volon­ta­risme des per­son­nages et des joueurs. Il y a aus­si fort à parier que le groupe de per­son­nage sera rapi­de­ment pro­prié­taire d’un petit vais­seau. À ce niveau, SWN est assez clas­sique et né s’engage pas avec un thème fort et unique, consi­dé­rant que les joueurs seront à l’origine du thème et que le meneur de jeu va déve­lop­per un sec­teur spa­tial à la mesure de leurs envies.

En fait, la prin­ci­pale force de SWN réside dans les outils qu’il pro­pose. Une grosse par­tie du livre est consa­crée à la créa­tion et au déve­lop­pe­ment du sec­teur spa­tial où vont se dérou­ler les aven­tures. Il s’agit pour le meneur de jeu de créer plu­sieurs mondes entre les­quels les per­son­nages pour­ront voya­ger pour atteindre leurs objec­tifs per­son­nels. Encore une fois, la méthode est très clas­sique et existe dans presque tous les autres jeux de Sciences-fic­tion, depuis Space Ope­ra (chez FGU), jusqu’à Tra­vel­ler ou Alter­ni­ty. Ce qui fait l’intérêt de SWN, c’est qu’il n’oublie jamais que la créa­tion du décor est secon­daire à la créa­tion du jeu. Ici, pas de dizaines de tables pour défi­nir la taille du soleil, la gra­vi­té ou l’orbite d’une pla­nète. Bien sûr, il y a les incon­tour­nables : est-ce qu’on peut y vivre et si oui com­ment – atmo­sphère, bio­tope, etc. Mais sur­tout, il y a les aspects des mondes. Chaque monde reçoit deux aspects par­mi la soixan­taine pro­po­sés dans le livre.

Exemple d’aspect : Bio­sphère hostile

Le monde est vrai­ment luxu­riant et il hait les humains. La vie est peut-être xénoal­ler­gène, for­çant l’emploi de filtres res­pi­ra­toires et d’antihistaminiques sur mesure pour seule­ment sur­vivre. À moins que les pré­da­teurs soient abo­mi­na­ble­ment féroces et très gros ou que la flore toxique étouffe sys­té­ma­ti­que­ment les cultures terrestres.
Adver­saires Faune locale, Ado­ra­teur de la nature, Autoch­tone xénos, Contre­maître cruel
Alliés Xéno­bio­lo­giste, Tou­riste sur un safa­ri, Guide local blasé
Évè­ne­ments Défaillance des filtres à air, Infes­ta­tion de para­sites xénos, Les serres hydro­po­niques né sont plus scellées
Objets Extrait bio­lo­gique autoch­tone pré­cieux, Crypte d’une colo­nie aban­don­née, Ves­tiges d’une pré­cé­dente expédition
Lieux Clai­rières faus­se­ment calmes, Jungles mul­ti­co­lores per­dues dans la brume, À la tom­bée de la nuit entou­rés de Choses

Chaque aspect pro­pose un thème géné­ral dont le meneur de jeu peut s’emparer et des pro­po­si­tions dans diverses caté­go­ries. Il pour­ra uti­li­ser ces pro­po­si­tions pour créer des accroches d’aventures dans le cas où les per­son­nages vien­draient à pas­ser. Le livre pro­pose d’ailleurs une cen­taine de synop­sis sous une forme géné­rique : il né reste qu’à uti­li­ser les pro­po­si­tions de l’aspect pour don­ner de la chair à l’aventure.

Exemple de synop­sis géné­rique : Un évè­ne­ment bloque les per­son­nages dans le lieu où ils se trouvent, sous le cou­vert d’un fait ennuyeux mais ordi­naire. En réa­li­té, un adver­saire en pro­fite pour atta­quer un allié ou une chose qui se trouve au même endroit.

À ces aspects de monde, vous pou­vez ajou­ter les fac­tions, qui pos­sèdent leurs propres aspects ; mais aus­si de nom­breuses pro­po­si­tions de socié­tés et de reli­gions, depuis les rai­sons de la colo­ni­sa­tions d’un monde, jusqu’à l’évolution du gou­ver­ne­ment au cours des der­nières années.

L’objectif est de créer du jeu et de l’aventure rapi­de­ment, en four­nis­sant au meneur de jeu des dizaines d’accroches et d’idées de scé­na­rios. C’est prin­ci­pa­le­ment cette extra­or­di­naire boîte à outil qui nous a convain­cu de tra­duire le jeu et de vous en pro­po­ser une ver­sion française.

Pour autant, si SWN laisse une grande lati­tude au meneur de jeu pour créer et déve­lop­per son sec­teur de jeu, il n’oublie pas de pro­po­ser un uni­vers soli­de­ment décrit au tra­vers de nom­breux éléments.

D’une part, il y a quelques fon­da­men­taux : la pro­pul­sion anné­lide, les psi, le Hur­le­ment et le Silence, qui façonnent l’univers de jeu et l’encadrent soigneusement.

D’autre part, les cha­pitres consa­crés aux aspects des mondes, aux fac­tions, aux socié­tés pla­né­taires ou encore aux xénos, four­millent d’idées et de pro­po­si­tions qui forment un tout cohé­rent. Vous décou­vri­rez ain­si l’agence Péri­mètre qui lutte contre le déve­lop­pe­ment de la mal­tech, le Consu­lat bour­sier qui fri­cote un peu par­tout avec les offi­ciels des gou­ver­ne­ments, ou encore les pré­cep­teurs de la Grande Biblio­thèque qui recherchent et pro­tègent les sources concer­nant l’ancien monde, avant le Hurlement.

Et puis, il y a plu­sieurs cha­pitres consa­crés à des sujets plus spé­ci­fiques, comme les IA et les robots, les méchas de com­bat ou les vais­seaux spa­tiaux. Chaque cha­pitre com­porte son lot de révé­la­tions et d’histoires que vous n’aurez aucun mal à inté­grer à vos aventures.

Enfin, dans les cha­pitres plus tech­niques du jeu, les listes d’équipements four­nissent aus­si bon nombre d’inspirations et d’images qui ren­forcent encore la cohé­rence et la véra­ci­té de l’univers.

Côté méca­nique, SWN lorgne du côté du mou­ve­ment Old School Ren­nais­sance (OSR). Le sys­tème de jeu est extrê­me­ment simple et tient en quelques pages seule­ment, tout en pro­po­sant des per­son­nages bien typés.

Chaque per­son­nage est défi­ni par un niveau, six carac­té­ris­tiques, des points de vie, une ori­gine, une classe (com­bat­tant, expert ou psi), une for­ma­tion et une poi­gnée de com­pé­tences – il né faut que quelques minutes pour créer un per­son­nage com­plet. Vous aurez besoin d’un d20 et de divers dés polyédriques.

Le sys­tème de jeu est consi­dé­ré comme mor­tel et dur pour son créa­teur qui donne de nom­breux conseils au meneur de jeu pour accom­pa­gner cette dif­fi­cul­té et la tour­ner en moteur d’aventures.

Voi­là. Ce sont tous ces élé­ments qui nous ont séduit : le maté­riel de jeu est plé­tho­rique, il donne à jouer sans jamais s’embarrasser de détails inutiles – tout est conçu pour per­mettre au meneur de jeu d’accompagner les libres mou­ve­ments des joueurs et de leurs per­son­nages ; le monde est sédui­sant, cohé­rent, com­plet et ins­pi­rant (nous ajou­te­rons à la VF plu­sieurs cha­pitres pro­ve­nant des sup­plé­ments gra­tuits que l’auteur a sor­ti pour le jeu) ; enfin le sys­tème de jeu est éton­nam­ment simple et pour­tant très com­plet pour un jeu de SF. Il est très rapide à prendre en mains, simple à com­prendre et à appli­quer et offre de très nom­breuses subtilités.

Le tiroir du bas

Couverture d'AmericanaComme pro­mis, voi­ci la cou­ver­ture d’Ame­ri­ca­na d’An­tho­ny « Yno » Com­brexelle. Elle nous a immé­dia­te­ment séduite : intri­gante et por­teuse de sombres promesses…