Éditions John Doe

Le jeu de rôle est mort,
mais personne n'est venu réclamer le corps

Courrier des légistes n°3

Derriere la porte du frigo

26 mai 2014

En direct de la morgue des édi­tions John Doe

Édito

Voi­ci donc le troi­sième numé­ro de notre petit ren­dez-vous, dont vous nous avez dit le plus grand bien. Nous sommes ravis que cela vous inté­resse. De notre côté, c’est éga­le­ment fort posi­tif : nous rele­vons le nez du gui­don pour par­ta­ger avec vous et cela égaie le déve­lop­pe­ment des pro­jets, sur­tout lorsque ceux-ci sont dans des phases un peu ingrates où l’on a l’im­pres­sion que rien n’avance.

Au pro­gramme de ce cour­rier : une inter­view de Sté­phane Cour­voi­sier, l’illus­tra­teur de Stars Without Num­bers, qui nous parle de son actua­li­té, de ses ins­pi­ra­tions et de sa façon de tra­vailler. Au pas­sage, nous vous révé­lons la cou­ver­ture du jeu ! Puis, John Grümph répond à une ques­tion qui lui a été posée sur le sui­vi de son mul­ti­vers, Les Mille Marches. Mais avant cela, le point sur les projets…

Avancement des projets

  • Le livre de base de Bloo­dlust est par­ti à l’im­pres­sion, pour un second tirage inté­grant les cor­rec­tions. On espère le livre en bou­tiques pour fin juin mais nous vous confir­me­rons la date dès que notre impri­meur sera en mesure de nous la donner.
  • Pour le pro­chain sup­plé­ment Bloo­dlust, les illus­tra­tions sont en cours de réa­li­sa­tion : déjà deux pleines pages livrées sur quatre. On devrait donc voir arri­ver cela à la rentrée.
  • Même chose pour le Com­pa­gnon d’Oltréé.
  • Notre ami Sté­phane Treille a pris en charge la relec­ture finale de la cam­pagne d’Hel­ly­wood : il a ain­si revu huit scé­na­rios sur les douze que com­porte le livre.
  • Le reste avance tranquillement…

Entretien avec Stéphane Courvoisier

Sté­phane est char­gé des illus­tra­tions inté­rieures et de la cou­ver­ture de Stars Without Num­bers. Son style nous avait immé­dia­te­ment séduit et la direc­tion un rien rétro SF qu’a pris son tra­vail sur le jeu est par­fai­te­ment ce que nous ima­gi­nions pour cet uni­vers. Si le tra­vail de Sté­phane vous inté­resse, au-delà de ses réa­li­sa­tions pour SWN, vous pou­vez le suivre sur son blog.

Peux-tu nous par­ler un peu de toi et de ton par­cours, de tes pro­jets et réalisations ?

Je suis né en 1981, j’ai étu­dié aux Arts Déco de Stras­bourg où j’ai beau­coup peint et pra­ti­qué la gra­vure, avant de suivre le cur­sus d’illus­tra­tion. Mon pre­mier bou­lot de BD a été une adap­ta­tion libre d’Ed­gar Allan Poe chez un petit édi­teur et j’ai conti­nué avec des com­mandes BD, presse, jeu­nesse et rough, avant de sor­tir un album long chez Actes Sud – L’An 2 : « Pages Inté­rieures ».

C’est un album d’an­ti­ci­pa­tion plu­tôt que de SF. Des planches ont d’ailleurs été expo­sées cette année au Centre Inter­na­tio­nal de la BD d’Angoulême dans le cadre de l’ex­po­si­tion « Noc­turnes » qui regrou­pait des planches de BD sur le rêve. L’al­bum va être tra­duit au Mexique et je suis en train de faire une nou­velle couv.

En ce moment, je pré­pare un nou­vel album (en cou­leurs !), dans un uni­vers SF assez dif­fé­rent de celui déve­lop­pé dans SWN et de celui de « Pages Intérieures ».

Tu es lec­teur de SF ? Qu’est-ce qui t’in­té­resse dans le genre ?

Tout petit je pre­nais les livres au hasard à la biblio­thèque, et je me suis retrou­vé a lire les « Chro­niques Mar­tiennes » de Ray Brad­bu­ry et d’autres choses pas vrai­ment des­ti­nées aux enfants.

J’é­tais déjà mar­qué par les vieilles séries de SF des années 60 qui pas­saient l’a­près-midi sur la Cinq : Au-delà du Réel, la Qua­trième Dimen­sion, Galac­ti­ca 1980, Alfred Hit­ch­cock pré­sente… et bien sûr les des­sins ani­més japo­nais, en par­ti­cu­lier Astro Boy, Gol­do­rak, Macross, Galaxy Express 999 et plus tard Ken le Survivant…

J’ai gar­dé l’ha­bi­tude de me lais­ser conseiller des livres ou d’y aller un peu au hasard, mais quand je trouve un auteur qui me plait, j’en lis sou­vent pas mal d’af­fi­lée (je suis un grand fan de Vla­di­mir Nabo­kov et de Jorge Luis Borges).

La SF à pro­pre­ment par­ler, est venue assez tar­di­ve­ment. J’ai déjà lu quelques livres de Dan Sim­mons (mais pas dans sa veine SF). William Gib­son m’a vrai­ment tapé dans l’oeil, je trouve ses des­crip­tions très belles et proches de la vision d’un peintre. Je lis en ce moment « La Horde du contrevent » de Alain Damasio.

Quelles sont tes tech­niques ? Tes ins­pi­ra­tions ? Com­ment est-ce que tu t’empares des textes pour en tirer des illustrations ?

De pro­jet en pro­jet, je cherche tou­jours de nou­veaux styles. Je des­sine ce que je vois autour de moi dans mes car­nets en essayant de nou­velles com­bi­nai­sons de techniques.

Pour SWN, je reste dans une vague ins­pi­rée de mes années de gra­vure, mais je fais ça avec un mélange de bic, de fusain et d’ordi.

Mes ins­pi­ra­tions pour SWN viennent pour une part de mes sou­ve­nirs des vieilles séries TV des années 60, des vieux comics de Jack Kir­by et Steve Dit­ko, des man­gas des années 80, évi­dem­ment de Star Wars et des sen­taï et jeux video Japo­nais. J’aime bien cacher des allu­sions a mes réfé­rences dans mes images.

Je consi­dère la plu­part de mes bou­lots comme des adap­ta­tions (ou des tra­duc­tions). Je pas­sé d’un médium à un autre en essayant de retrou­ver les mêmes idées. Mais sou­vent cer­taines choses fonc­tionnent dans un sup­port mais pas dans un autre, par exemple les BDs de super héros et leurs cos­tumes colo­rés et leurs adap­ta­tions en films. Alors j’essaye de faire  au mieux avec un sup­port dif­fé­rent, quitte à chan­ger des choses plu­tôt que de m’at­ta­cher à être fidèle à la lettre au maté­riau d’origine.

Quand je com­mence un nou­veau bou­lot, je lis plu­sieurs fois le texte en fai­sant des des­sins dans la marge, et puis je me laisse du temps pour faire autre chose et oublier un peu ce que j’ai lu. Je reviens des­sus après m’être occu­pé ailleurs (regar­der un film, lire un bou­quin, jouer à un jeu, aller boire un verre… ) et je me mets a ima­gi­ner des scènes à par­tir de ces petits des­sins d’i­dée sans trop relire le texte, en pen­sant sur­tout au for­mat et à la mise en scène.

Ensuite, je confronte ces idées un peu plus abou­ties au texte ori­gi­nal et je rec­ti­fie les choses qui s’en éloignent trop.

En quoi bos­ser sur un jdr dif­fère de tes bou­lots habi­tuels ? Com­ment as-tu abor­dé SNW ?

Contrai­re­ment à beau­coup de bou­lots de com­mande, le jdr pro­pose un uni­vers très dense et une grande quan­ti­té d’illus­tra­tions. C’est un peu comme un livre, mais en beau­coup plus détaillé. Le gros avan­tage, c’est qu’on peut par­tir com­plè­te­ment auto­nome sur un concept décrit assez géné­ra­le­ment puis­qu’il n’y a pas d’his­toire pré­cise pré-écrite. C’est très sti­mu­lant, ça per­met d’a­bor­der énor­mé­ment d’as­pects dif­fé­rents de cet uni­vers, je me sens très libre et ça pousse à déve­lop­per un point de vue personnel.

La dif­fi­cul­té, c’est qu’en même temps c’est très cadré, il faut pro­duire un grand nombre d’i­mages qui doivent bien fonc­tion­ner ensemble. Ça demande d’être pré­cis, cohé­rent, et bien organisé.

L’u­ni­vers de SWN m’a tout de suite plu, il y a beau­coup de thèmes dont je me sens proche et que je prends plai­sir a déve­lop­per et j’ai bien aimé l’in­te­rac­tion qu’on a eu en com­men­çant à en parler.

Et voici la couverture de Stars Without Numbers, réalisée par Stéphane Courvoisier

Et voi­ci la cou­ver­ture de Stars Without Num­bers, réa­li­sée par Sté­phane Courvoisier

Le tiroir du bas

Luceid nous a posé cette ques­tion sur le forum JD : « J’a­vais une ques­tion quant au déve­lop­pe­ment des Mille-Marches. C’est un chouette uni­vers qu’il me plai­rait de voir se déve­lop­per. » Hop, c’est John Grümph qui répond direc­te­ment à ce pre­mier cour­rier des lecteurs…

Voi­ci un petit moment que le deuxième sup­plé­ment pour l’univers des Mille Marches est en route.

« Les lames de l’Orchidée » devrait se com­po­ser de trois par­ties : la pre­mière, une cam­pagne en cinq cha­pitres située à Paris en 1640 ; la seconde, quelques infor­ma­tions sur deux marches qui sont autant de car­re­fours com­mer­ciaux impor­tants pour les voya­geurs des brumes ; la der­nière, un contexte wu xia, avec son lot de che­va­liers mar­chant sur le som­met des bam­bous et de moines capables de bri­ser des enclumes d’un coup de poing. Pour tout ça, j’ai du maté­riel, des notes et du texte rédigé.

Oui mais voi­là… ça n’avance pas.

Tout d’abord, je sèche sur le der­nier cha­pitre de la cam­pagne, celui qui est cen­sé être le gros moment où tout explose. Et je n’avance pas vrai­ment sur le qua­trième cha­pitre qui amène là. Et puis je né suis pas for­cé­ment com­plè­te­ment content des trois pre­miers cha­pitres. Il y a des tas d’idées, de per­son­nages inté­res­sants, de situa­tions étranges et mer­veilleuses, de choix moraux com­pli­qués et de retour­ne­ments de situa­tion, mais je bloque.

Ensuite, j’ai l’impression de pas­ser à côté du jeu. J’ai eu peu de retours posi­tifs sur les secrets du mul­ti­vers et sur la cam­pagne öro­paenne ini­tiale. Visi­ble­ment, ce n’est pas ce que les gens atten­daient. J’ai vou­lu me rat­tra­per avec le sup­plé­ment Storm­cha­ser qui a sem­blé cor­res­pondre beau­coup plus aux attentes – sauf que ce n’est pas for­cé­ment ce que moi j’avais envie de pro­po­ser au-delà du clin d’œil et du défi de pro­po­ser du pulp un peu travaillé.

Du coup, l’excitation et la moti­va­tion né sont pas for­cé­ment au ren­dez-vous. Le jeu se vend beau­coup plus pour son sys­tème de jeu que pour le délire mul­ti­ver­sel qui le sous-tend. Je me remets régu­liè­re­ment devant mes notes, j’avance des bouts de textes, je reprends des choses, mais ça né tient jamais long­temps face à d’autres pro­jets plus immé­dia­te­ment excitants.

Je n’ai pas de solu­tions immé­diates à part réunir une équipe, orga­ni­ser des réunions sur han­gout et lais­ser des gens s’emparer du pro­jet. Peut-être que je par­vien­drai au bout un jour. S’il est tou­jours d’actualité de sor­tir le sup­plé­ment sous un for­mat papier, on le fera. Si la fenêtre est pas­sée, il sera mis à dis­po­si­tion sous une autre forme – PDF, POD ?

John Grümph