En direct de la morgue des éditions John Doe
Édito
Voici donc le troisième numéro de notre petit rendez-vous, dont vous nous avez dit le plus grand bien. Nous sommes ravis que cela vous intéresse. De notre côté, c’est également fort positif : nous relevons le nez du guidon pour partager avec vous et cela égaie le développement des projets, surtout lorsque ceux-ci sont dans des phases un peu ingrates où l’on a l’impression que rien n’avance.
Au programme de ce courrier : une interview de Stéphane Courvoisier, l’illustrateur de Stars Without Numbers, qui nous parle de son actualité, de ses inspirations et de sa façon de travailler. Au passage, nous vous révélons la couverture du jeu ! Puis, John Grümph répond à une question qui lui a été posée sur le suivi de son multivers, Les Mille Marches. Mais avant cela, le point sur les projets…
Avancement des projets
- Le livre de base de Bloodlust est parti à l’impression, pour un second tirage intégrant les corrections. On espère le livre en boutiques pour fin juin mais nous vous confirmerons la date dès que notre imprimeur sera en mesure de nous la donner.
- Pour le prochain supplément Bloodlust, les illustrations sont en cours de réalisation : déjà deux pleines pages livrées sur quatre. On devrait donc voir arriver cela à la rentrée.
- Même chose pour le Compagnon d’Oltréé.
- Notre ami Stéphane Treille a pris en charge la relecture finale de la campagne d’Hellywood : il a ainsi revu huit scénarios sur les douze que comporte le livre.
- Le reste avance tranquillement…
Entretien avec Stéphane Courvoisier
Stéphane est chargé des illustrations intérieures et de la couverture de Stars Without Numbers. Son style nous avait immédiatement séduit et la direction un rien rétro SF qu’a pris son travail sur le jeu est parfaitement ce que nous imaginions pour cet univers. Si le travail de Stéphane vous intéresse, au-delà de ses réalisations pour SWN, vous pouvez le suivre sur son blog.
Peux-tu nous parler un peu de toi et de ton parcours, de tes projets et réalisations ?
Je suis né en 1981, j’ai étudié aux Arts Déco de Strasbourg où j’ai beaucoup peint et pratiqué la gravure, avant de suivre le cursus d’illustration. Mon premier boulot de BD a été une adaptation libre d’Edgar Allan Poe chez un petit éditeur et j’ai continué avec des commandes BD, presse, jeunesse et rough, avant de sortir un album long chez Actes Sud – L’An 2 : « Pages Intérieures ».
C’est un album d’anticipation plutôt que de SF. Des planches ont d’ailleurs été exposées cette année au Centre International de la BD d’Angoulême dans le cadre de l’exposition « Nocturnes » qui regroupait des planches de BD sur le rêve. L’album va être traduit au Mexique et je suis en train de faire une nouvelle couv.
En ce moment, je prépare un nouvel album (en couleurs !), dans un univers SF assez différent de celui développé dans SWN et de celui de « Pages Intérieures ».
Tu es lecteur de SF ? Qu’est-ce qui t’intéresse dans le genre ?
Tout petit je prenais les livres au hasard à la bibliothèque, et je me suis retrouvé a lire les « Chroniques Martiennes » de Ray Bradbury et d’autres choses pas vraiment destinées aux enfants.
J’étais déjà marqué par les vieilles séries de SF des années 60 qui passaient l’après-midi sur la Cinq : Au-delà du Réel, la Quatrième Dimension, Galactica 1980, Alfred Hitchcock présente… et bien sûr les dessins animés japonais, en particulier Astro Boy, Goldorak, Macross, Galaxy Express 999 et plus tard Ken le Survivant…
J’ai gardé l’habitude de me laisser conseiller des livres ou d’y aller un peu au hasard, mais quand je trouve un auteur qui me plait, j’en lis souvent pas mal d’affilée (je suis un grand fan de Vladimir Nabokov et de Jorge Luis Borges).
La SF à proprement parler, est venue assez tardivement. J’ai déjà lu quelques livres de Dan Simmons (mais pas dans sa veine SF). William Gibson m’a vraiment tapé dans l’oeil, je trouve ses descriptions très belles et proches de la vision d’un peintre. Je lis en ce moment « La Horde du contrevent » de Alain Damasio.
Quelles sont tes techniques ? Tes inspirations ? Comment est-ce que tu t’empares des textes pour en tirer des illustrations ?
De projet en projet, je cherche toujours de nouveaux styles. Je dessine ce que je vois autour de moi dans mes carnets en essayant de nouvelles combinaisons de techniques.
Pour SWN, je reste dans une vague inspirée de mes années de gravure, mais je fais ça avec un mélange de bic, de fusain et d’ordi.
Mes inspirations pour SWN viennent pour une part de mes souvenirs des vieilles séries TV des années 60, des vieux comics de Jack Kirby et Steve Ditko, des mangas des années 80, évidemment de Star Wars et des sentaï et jeux video Japonais. J’aime bien cacher des allusions a mes références dans mes images.
Je considère la plupart de mes boulots comme des adaptations (ou des traductions). Je passé d’un médium à un autre en essayant de retrouver les mêmes idées. Mais souvent certaines choses fonctionnent dans un support mais pas dans un autre, par exemple les BDs de super héros et leurs costumes colorés et leurs adaptations en films. Alors j’essaye de faire au mieux avec un support différent, quitte à changer des choses plutôt que de m’attacher à être fidèle à la lettre au matériau d’origine.
Quand je commence un nouveau boulot, je lis plusieurs fois le texte en faisant des dessins dans la marge, et puis je me laisse du temps pour faire autre chose et oublier un peu ce que j’ai lu. Je reviens dessus après m’être occupé ailleurs (regarder un film, lire un bouquin, jouer à un jeu, aller boire un verre… ) et je me mets a imaginer des scènes à partir de ces petits dessins d’idée sans trop relire le texte, en pensant surtout au format et à la mise en scène.
Ensuite, je confronte ces idées un peu plus abouties au texte original et je rectifie les choses qui s’en éloignent trop.
En quoi bosser sur un jdr diffère de tes boulots habituels ? Comment as-tu abordé SNW ?
Contrairement à beaucoup de boulots de commande, le jdr propose un univers très dense et une grande quantité d’illustrations. C’est un peu comme un livre, mais en beaucoup plus détaillé. Le gros avantage, c’est qu’on peut partir complètement autonome sur un concept décrit assez généralement puisqu’il n’y a pas d’histoire précise pré-écrite. C’est très stimulant, ça permet d’aborder énormément d’aspects différents de cet univers, je me sens très libre et ça pousse à développer un point de vue personnel.
La difficulté, c’est qu’en même temps c’est très cadré, il faut produire un grand nombre d’images qui doivent bien fonctionner ensemble. Ça demande d’être précis, cohérent, et bien organisé.
L’univers de SWN m’a tout de suite plu, il y a beaucoup de thèmes dont je me sens proche et que je prends plaisir a développer et j’ai bien aimé l’interaction qu’on a eu en commençant à en parler.
Le tiroir du bas
Luceid nous a posé cette question sur le forum JD : « J’avais une question quant au développement des Mille-Marches. C’est un chouette univers qu’il me plairait de voir se développer. » Hop, c’est John Grümph qui répond directement à ce premier courrier des lecteurs…
Voici un petit moment que le deuxième supplément pour l’univers des Mille Marches est en route.
« Les lames de l’Orchidée » devrait se composer de trois parties : la première, une campagne en cinq chapitres située à Paris en 1640 ; la seconde, quelques informations sur deux marches qui sont autant de carrefours commerciaux importants pour les voyageurs des brumes ; la dernière, un contexte wu xia, avec son lot de chevaliers marchant sur le sommet des bambous et de moines capables de briser des enclumes d’un coup de poing. Pour tout ça, j’ai du matériel, des notes et du texte rédigé.
Oui mais voilà… ça n’avance pas.
Tout d’abord, je sèche sur le dernier chapitre de la campagne, celui qui est censé être le gros moment où tout explose. Et je n’avance pas vraiment sur le quatrième chapitre qui amène là. Et puis je né suis pas forcément complètement content des trois premiers chapitres. Il y a des tas d’idées, de personnages intéressants, de situations étranges et merveilleuses, de choix moraux compliqués et de retournements de situation, mais je bloque.
Ensuite, j’ai l’impression de passer à côté du jeu. J’ai eu peu de retours positifs sur les secrets du multivers et sur la campagne öropaenne initiale. Visiblement, ce n’est pas ce que les gens attendaient. J’ai voulu me rattraper avec le supplément Stormchaser qui a semblé correspondre beaucoup plus aux attentes – sauf que ce n’est pas forcément ce que moi j’avais envie de proposer au-delà du clin d’œil et du défi de proposer du pulp un peu travaillé.
Du coup, l’excitation et la motivation né sont pas forcément au rendez-vous. Le jeu se vend beaucoup plus pour son système de jeu que pour le délire multiversel qui le sous-tend. Je me remets régulièrement devant mes notes, j’avance des bouts de textes, je reprends des choses, mais ça né tient jamais longtemps face à d’autres projets plus immédiatement excitants.
Je n’ai pas de solutions immédiates à part réunir une équipe, organiser des réunions sur hangout et laisser des gens s’emparer du projet. Peut-être que je parviendrai au bout un jour. S’il est toujours d’actualité de sortir le supplément sous un format papier, on le fera. Si la fenêtre est passée, il sera mis à disposition sous une autre forme – PDF, POD ?
John Grümph